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Eva Joly : “L’échec économique porte sur l’absence de vision sur l’avenir”

Eva Joly, candidate d’Europe Écologie-Les Verts à la présidentielle détaille ses propositions économiques.

Quel bilan dressez-vous du mandat de Nicolas Sarkozy, aux plans économique et social ?
Sur le plan social, le mandat s’achève sur un terrible échec, dont la crise n’est évidemment pas la seule responsable : envolée du chômage, explosion de la précarité, mesures particulièrement dures pour les plus fragiles telles que l’instauration des franchises médicales, hausse de la souffrance au travail dont les cadres sont parmi les plus touchés….
Surtout, l’échec économique porte sur l’absence de vision sur l’avenir dans les choix mis en œuvre. C’est tout l’inverse de la politique que nous portons, fondée sur l’économie verte et du mieux-vivre.

Si vous êtes élue, quelles seront vos trois premières mesures pour l’emploi ? Et pour la croissance ?
À travers nos mesures fortes en direction de l’économie verte et du vivre-mieux, que j’ai précisément chiffrées, nous pourrons créer près d’un million d’emplois d’ici 2020.
Nous entendons également soutenir l’économie de proximité, fondée sur la ré-industrialisation et la re-localisation des productions, en développant le tissu de PME/ TPE et artisanal ainsi que le tiers secteur de l’économie sociale et solidaire.
Enfin, je souhaite renforcer le dialogue social, en instaurant une véritable démocratie d’entreprise et en redonnant du pouvoir d’agir aux salariés, pour faire de la qualité des emplois une priorité des actions dirigées vers l’emploi.

Vous proposez d’interdire les licenciements boursiers spéculatifs. Est-ce réaliste ? Comment allez-vous vous y prendre ?
Je souhaite que l’État impose le remboursement d’aides publiques aux entreprises qui délocalisent leurs sites de production, en particulier quand ceux ci sont encore rentables. Mon objectif est que les entreprises fassent le choix des investissements tournés vers l’avenir, et non des profits à court-terme : c’est tout le sens que je souhaite donner aux décisions des Conseils d’Administration, en y associant les représentants des salariés à hauteur de 50 % des sièges.
 
Vous défendez la création d’un million d’emplois d’ici 2020. Par quels biais ?  Les métiers verts qui sont depuis plusieurs années présentés comme un Eldorado, peinent à véritablement émerger. De quels types de postes peut-il s’agir (cadres, ouvriers…) ?
La création d’un million d’emploi s’appuiera sur la transition écologique de l’économie vers les énergies renouvelables, les économies d’énergie (notamment dans le bâtiment), l’agriculture biologique, ainsi que sur les investissements vers le vivre-mieux, à travers la priorité donnée à la prise en charge solidaire de la dépendance, aux places en crèches, au logement.
Si ces filières des énergies renouvelables, auxquelles nous apporterons un soutien sans faille, peinent aujourd’hui à émerger, c’est dû aux choix du gouvernement qui, malgré ses effets d’annonces, les a régulièrement stoppées (éolien, photovoltaïque…). Ces filières peuvent vraiment émerger lorsque la volonté politique existe, le succès allemand dans le domaine en est le meilleur exemple. Elles peuvent être les pourvoyeuses d’emplois à des profils très variés, des ouvriers jusqu’aux cadres.

Vous proposez la sortie du nucléaire d’ici 2030. Quel avenir pour les salariés du secteur ?
Le démantèlement du parc nucléaire implique de conserver une partie importante de l’emploi : un tiers des emplois d’une centrale en activité pour le démantèlement d’un réacteur. En développant un savoir-faire en la matière qui devienne un pôle d’excellence, il sera possible de créer une nouvelle filière pourvoyeuse d’emplois. Il faut de plus mettre en regard l’importance des créations de postes dans les énergies renouvelables, rendues possibles par cette transition énergétique. Rappelons-nous que les filières du renouvelable représentent 370 000 emplois directs en Allemagne, quand le nucléaire représente 125 000 emplois directs en France.

Comment soutenir le développement des PME ?
Je prévois de mettre en place un “pacte pour les entreprises locales” qui favorisera le développement des PME/ TPE à travers une fiscalité soutenant celles qui défendent les métiers régionaux et contribuent à la transition écologique, ainsi qu’à travers l’instauration d’une progressivité réelle de l’impôt sur les sociétés en fonction du niveau des bénéfices. Il n’est pas normal que les PME soient les plus fortement imposées, à hauteur de 33 %, quand les entreprises du CAC 40 ne contribuent qu’à hauteur de 8 % grâce aux niches fiscales.

Les créations d’entreprises ont chuté de 11,6 % en 2011. Comment comptez-vous encourager la création et est-ce pour vous une priorité ?
Nous avons bien sûr besoin d’entreprises innovantes et dynamiques. Parce que nous investirons dans les secteurs d’avenir et que, surtout, nous soutiendrons les entreprises locales à travers notre pacte, nous favoriserons ces créations nécessaires pour la santé et l’avenir économiques de notre pays.

Quel regard portez-vous sur la condition actuelle des cadres ? Est-ce pour vous un sujet de campagne ?
La condition actuelle des cadres est en effet un sujet majeur des problématiques relatives à l’emploi et aux conditions de travail. Lorsque l’économie se retrouve confisquée par la finance, ils en sont les premières victimes. Ils sont les premiers témoins du fait que les investissements ne soient plus dirigés vers le long-terme. Il faut redonner du pouvoir aux cadres pour limiter cette prégnance des profits à court-terme.
La détérioration des conditions de travail touche aussi en premier lieu les cadres, lorsqu’ils sont confrontés à un “new management” qui multiplie les contraintes, intensifie le travail de manière irraisonnée et devient facteur d’excès de stress et de dépressions. Les terribles drames humains recensés ces dernières années nous forcent à faire de l’amélioration de la qualité du travail une priorité.

Selon des données Eurostat publiées par Coe-Rexecode, les salariés français à temps plein figurent parmi les derniers d’Europe en termes de durée effective de travail. Pensez-vous, comme le gouvernement, qu’il faut travailler plus. Faut-il agir sur ce volet pour relancer la croissance ?
L’étude de Coe-Rexecode repose sur des approximations et ses conclusions sur un raisonnement erroné. Plusieurs économistes très sérieux, tels que Guillaume Duval, l’ont démontré. Au niveau de l’ensemble des salariés, le temps de travail français se situe dans la moyenne des pays européens, alors que leur productivité est bien plus élevée que la moyenne. Nous n’avons pas besoin d’idéologie pour traiter de ce sujet. La réduction du temps de travail, symptôme de progrès et de meilleure qualité de vie, est au contraire une aspiration historique des écologistes que je continue d’avoir.

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