Hervé Morin, candidat du Nouveau Centre à l’élection Présidentielle, nous livre ses propositions pour l’emploi et l’économie.
Quel bilan dressez-vous du mandat de Nicolas Sarkozy, sur le front de l’économie et de l’emploi ?
Il y a eu de bonnes initiatives : le Crédit impôt recherche, le Fonds stratégique d’investissement, le Grand emprunt, les grands pôles de recherche, la réforme des universités… un certain nombre de mesures dont les effets se feront sentir sur le long terme. Mais dans le même temps, très clairement, nous n’avons pas restauré la compétitivité de l’économie française. La France ne reprend pas de parts de marché en Europe, cela continue à baisser, la balance commerciale est déficitaire avec tous les pays européens, nous avons perdu beaucoup plus d’emplois industriels et d’activités industrielles que les autres, voilà la situation ! Et nous avons engagé une réforme de l’État qui n’a rien produit en termes de réduction des dépenses publiques. Nous sommes à des niveaux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d’Europe. Cela freine le pouvoir d’achat et bien sûr la compétitivité.
Quelles sont les transformations nécessaires pour y remédier ?
Tous les candidats le disent, il faut tout d’abord une politique en faveur de la production. Dans un monde ouvert, il faut arrêter de mettre des boulets aux pieds des entreprises et des salariés. Et dans un monde ouvert, il faut favoriser la production et considérer qu’une partie des prélèvements dont nous avons besoin pour faire marcher la Maison France doit venir de la consommation.
De là, je tire plusieurs propositions. La première, qui ne coûte rien, mais qui me semble une demande sociale et du monde de l’économie colossale, c’est la stabilité juridique et fiscale. Les gens vous disent : ‘Foutez nous la paix, on ne peut pas investir, on ne peut pas produire si vous nous changez les textes tous les jours’. Je prends un engagement : quand on a changé une loi durant le quinquennat, on ne la change plus.
La deuxième mesure, c’est un mécanisme puissant de financement de l’investissement dans les entreprises. Je propose une réduction de l’impôt sur le revenu (200 000 euros, ndlr) pour toute personne qui investit dans une entreprise jeune et innovante.
Troisième mesure pour moi très importante, c’est de basculer une partie des cotisations sociales sur une TVA Emploi. C’est le seul moyen d’améliorer à la fois la compétitivité et le pouvoir d’achat des salariés. Cela ne doit pas se faire à 100 jours du premier tour de la Présidentielle, mais dans le cadre d’un Grenelle de la politique économique et fiscale nouvelle. Avec, très clairement, non pas un cadeau, mais une part qui va à l’augmentation des salaires.
Le quatrième sujet, c’est de faire en sorte que l’on ait un marché du travail plus fluide, d’où le contrat de travail unique à droits progressifs. On supprime le CDI et le CDD. Nous sommes dans un système qui a tellement rigidifié le droit du travail, que c’est un frein à l’embauche et un facteur de précarité.
Comment est-ce qu’il s’organise ?
On construit un système dans lequel on met en place en plus un bonus-malus. Si vous êtes une entreprise respectueuse de vos salariés, vos cotisations chômage baissent. Si vous ne l’êtes pas, vos cotisations chômage montent.
Vous avez également des propositions en matière de formation ? La dernière réforme n’était pas suffisante ?
Je veux un capital formation pour chaque personne, une sorte de livret d’épargne. Comme l’investissement par la Nation n’est pas le même entre celui qui a fait dix ans d’école et celui qui est sorti de l’école à 16 ans, il faut que l’on permette à cette personne qui a beaucoup moins coûté au pays, d’avoir plus de temps ensuite.
Les créations d’entreprise ont chuté en 2011. Est-ce pour vous une priorité ?
On crée autant que les autres, ce n’est pas la question. La question, c’est de faire en sorte que les entreprises puissent grandir. Il y a 450 régimes d’aides à l’entreprise, personne n’en bénéficie en vérité. On passe toujours à côté ou ce sont des miettes avec des dossiers considérables. Je dis qu’il faut supprimer tout ça pour l’essentiel et créer une mesure majeure, massive : tout particulier qui investit dans l’entreprise le déduit de l’impôt sur le revenu.
Selon des données Eurostat publiées par Coe-Rexecode, les salariés français à temps plein figurent parmi les derniers d’Europe en termes de durée effective de travail…
D’où ma proposition des 37 heures par semaine.
Pourquoi pas un retour aux 39 heures ?
Mon idée, ce n’est pas simplement de “bouffer du socialiste”, mais de dire que nous sommes le pays qui travaille le moins en Europe. Il n’y en pas qui soit à moins de 37 heures de travail par semaine, on va me dire : ‘mais en durée annuelle, ce n’est pas ça qui compte, etc.’ En vérité, il y a un vrai problème. Dans le cadre de cet effort collectif majeur et massif que l’on doit faire pour redresser le pays, je propose une mesure phare qui est 37 heures de travail par semaine, public comme privé, avec maintien du salaire, et avec cette idée qu’en plus cela fait faire 12 milliards d’euros d’économies en exonérations de charges pour compenser les 35 heures. On rétablit rapidement l’équilibre budgétaire.
Cela veut dire qu’il faut travailler deux heures de plus par semaine, tout en étant rémunéré de la même façon ?
Oui, mais est-ce que c’était le goulag quand on bossait 39 heures par semaine ? Franchement ? Je sais que parfois c’est dur le boulot, j’ai été manœuvre dans une entreprise du bâtiment, je sais que ce n’est pas drôle tous les jours, mais enfin ce n’était pas non plus le goulag. La France est plutôt un pays de Cocagne.
La question des cadres est-elle pour vous un sujet de campagne ?
La question majeure, c’est l’économie. Les cadres souffrent comme les autres, ils souffrent de voir leur pouvoir d’achat renié, de prélèvements obligatoires trop élevés, d’une économie atone, d’un prix du logement qui les éloigne de plus en plus de leur lieu de travail.
Vous proposez d’encadrer la rémunération des dirigeants ?
Oui, je pense qu’il y a des abus et qu’il faut trouver les moyens de les encadrer.
Quelle est la limite ?
La première limite, c’est de rendre tout cela public. Vous éviterez déjà beaucoup d’abus.
Faut-il définir un plafond ?
Probablement, mais l’opinion publique est plus puissante que tout le reste. Quand vous êtes dans votre boîte et que les salariés savent que vous gagnez X millions d’euros ou X centaines de milliers d’euros, alors qu’on leur refuse 10 euros d’augmentation, cela va vous calmer.
On évoque beaucoup en ce moment vos troupes qui vous lâchent ?
On parle toujours des mêmes, les militants sont là, les cadres du parti sont là, il y a ceux qui ont peur pour leur circonscription, leur portefeuille-ministériel…
Vous restez candidat ?
Je suis candidat aussi longtemps que je suis en situation de l’être, mais il faut d’abord que je récupère mes 500 signatures…