L’embellie du début d’année a été quelque peu mise à mal par la crise monétaire qui s'est déclenchée cet été, tempérant l’euphorie générale. Les entreprises revoient donc à la baisse leurs prévisions d’augmentations.
Optimistes au premier semestre 2011, les entreprises se montrent aujourd’hui plus modérées dans leurs prévisions salariales. La dernière étude* du cabinet de conseil en ressources humaines Mercer révélait au premier semestre une amélioration de la situation salariale des cadres. “Après trois années d’austérité, la crise de 2008 s’éloignant, les entreprises anticipaient une quasi-disparition du gel des salaires pour 2012 et un taux d’augmentation médian de 3 %, même si certains seront sans doute encore plus prudents”, détaille Bruno Rocquemont, responsable des enquêtes de rémunération chez Mercer. Interrogé à nouveau fin août par le cabinet, après le démarrage de la crise monétaire européenne de l’été, 81 % du panel s’est dit prêt à revoir à la baisse ses prévisions d’augmentations, et ceux qui avancent un chiffre parlent de 0,5 point en moins. “Même si les carnets de commandes de certaines entreprises sont déjà remplis pour 2012, celles-ci préfèrent anticiper d’éventuels impacts négatifs”, poursuit Bruno Rocquemont.
Un début d’année prometteur
Au premier semestre, l’heure était plutôt à l’euphorie. Les entreprises déclaraient avoir été moins nombreuses à geler les salaires sur 2011, qu’annoncé en 2010. Les intentions de ne pas augmenter les rémunérations étaient de 4 à 7 % ; alors que le gel n’a atteint les cadres qu’à hauteur de 2 à 4 %. Seul celui des dirigeants a été conforme aux prévisions, à 7 %. Et le niveau médian d’augmentation attendu pour 2011 était, lors de l’étude, de 2,5 % selon Mercer.
De son côté, l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), dans l’édition 2011 de son enquête sur l’évolution de la rémunération des cadres, note elle aussi une amélioration de la situation économique et du marché de l’emploi sur le début d’année. Ainsi, parmi les cadres qui sont restés dans la même entreprise en 2010, 48 % ont déclaré que leur rémunération, fixe et variable inclus, avait augmenté au cours de l’année. Ils étaient 39 % en 2009. À noter que la taille de l’entreprise a une forte influence sur la rémunération et son évolution selon l’Apec. Ainsi, la part des cadres qui déclarent avoir été augmentés croît en même temps que l’effectif de l’entreprise. Par ailleurs, la progression des cadres ayant bénéficié d’une hausse de salaire en 2010 par rapport à 2009 a été d’autant plus forte que la taille de l’entreprise était importante.
Pas de baisse des salaires
L’ensemble de ces résultats reflète bien la reprise de l’économie française au premier trimestre 2011. La croissance du PIB avait été de 1 % sur la période, preuve selon le gouvernement que l’économie française était installée sur la voie d’une reprise solide. Le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie prédisait même, en mai 2011, un PIB en croissance de 2 % sur l’année. Ainsi, en septembre, les entreprises se portaient donc encore plutôt bien. Au sein du cabinet de recrutement Michael Page, Pierre-Emmanuel Dupil, le directeur général, ne constatait d’ailleurs pas de baisse des rémunérations. “Si la crise a induit une baisse du volume des recrutements, elle n’a pas fait pour autant diminuer les salaires, en tout cas pour l’instant. Mais on peut sans doute prévoir que certains métiers souffriront dans les mois qui viennent.” Le dirigeant évoque ainsi les packages des commerciaux des banques d’investissement qui seront sans doute rapidement moins intéressants qu’ils n’ont pu l’être par le passé. Et s’il n’y a pas aujourd’hui de diminution des rémunérations, les entreprises se montrent toutefois un peu plus regardantes en ce qui concerne leur politique salariale.
Bien définir ses objectifs
Bruno Rocquemont rapporte ainsi que ces dernières années, les entreprises ont dû éviter le saupoudrage des augmentations et tout faire pour conserver les talents. “Habituellement, la distribution est équitable. Aujourd’hui, étant donné la conjoncture, il faut miser sur les collaborateurs les plus performants et avoir le courage de dire aux autres : non, vous n’avez pas été bons cette année !” Les managers doivent faire des choix et pour cela, ils doivent s’appuyer selon lui sur un système de gestion de la performance éprouvé et des objectifs bien définis ; non pas de simples descriptions de postes. Attention donc, à la signature d’un contrat, à bien veiller à ce que les objectifs soient clairs, cohérents avec la mission et surtout réalisables, au risque de ne pas pouvoir sortir du lot et faire valoir ses compétences.
*Enquête Mercer réalisée de mars à juillet 2011 auprès de 134 000 cadres titulaires appartenant à 329 entreprises.
La communication, maillon faible des entreprises
La communication sur la rémunération est le principal point de divergence entre cadres et entreprises. Selon l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), plus de trois cadres sur quatre jugent la communication de leur entreprise “mauvaise” ou “très mauvaise” sur ce sujet, alors que sept entreprises sur dix l’estiment “bonne” ou “très bonne”.
De même, en ce qui concerne la politique de rémunération, six structures sur dix pensent que les cadres ont une très bonne connaissance des critères motivant l’attribution des augmentations individuelles et des salaires pratiqués dans l’entreprise. Tandis que les cadres ne sont respectivement que 31 % et 45 % à être de cet avis.
La communication sur ce sujet s’est pourtant améliorée selon Bruno Rocquemont, responsable des enquêtes de rémunération au sein du cabinet de conseil en ressources humaines Mercer : “Ces dernières années, la conjoncture a eu l’avantage de rapprocher les équipes des ressources humaines et les directions générales dans la communication autour du management des compétences et de la politique salariale.” Selon Mercer, les salariés perçoivent les efforts de leur entreprise dans le sens du développement et d’une meilleure gestion des carrières. Ils sont 19 % de plus qu’en 2007 à penser que leur entreprise fait un bon travail pour développer les potentiels, et 40 % de plus à estimer que l’entreprise sait retenir ses talents.