La France recense 2,4 millions de personnes en recherche d’emploi. À son plus bas niveau depuis 2008, le taux de chômage s’établit à 8,1 %. Mais le coronavirus pourrait bien jouer les trouble-fêtes en 2020, en impactant le PIB d’au moins – 0,5 point. Le regard d’Éric Heyer, directeur du département analyses et prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Article du 10 mars 2020, mis à jour le 13 mars, suite aux annonces d’Emmanuel Macron sur le coronavirus.
Comment analysez-vous la baisse du chômage en 2019 ?
La baisse du chômage que l’on observe actuellement est une bonne baisse, liée à de fortes créations d’emploi (+ 1,1 % en 2019). Comment se fait-il qu’il y en ait eu autant, avec 1,3 % de croissance ? Il n’est pas possible d’expliquer une telle situation par l’activité économique, car la croissance a ralentit l’année dernière. Et cette embellie est d’autant plus étonnante que les entreprises rencontrent de plus en plus de difficultés à recruter.
Plusieurs explications sont possibles. D’abord, il est plausible que l’emploi ait été boosté par des décisions politiques et économiques, telle que la transformation du CICE en baisse de cotisations, qui a permis d’inciter les entreprises à créer des postes. Mais dans ce cas, la courbe devrait arrêter de grimper en 2020.
Ensuite, l’on peut émettre l’hypothèse que des réformes prises les années précédentes aient joué, mais bien souvent, leurs effets ne se voient pas avant 2 ou 2 ans et demi. Enfin, une explication plus statistique serait que le PIB soit finalement révisé à la hausse pour 2019 et qu’il soit en fait supérieur à la prévision de l’Insee, qui est actuellement de + 1,3 %. Cela fait en effet plusieurs années que le PIB est révisé à la hausse, mais il nous faudra attendre les chiffres définitifs en 2022. Il s’agit donc d’une théorie plausible.
Globalement, il s’agit donc d’une très bonne année sur le front de l’emploi, mais peut être trop bonne pour perdurer, au vu du contexte : des entreprises qui peinent à recruter, mais pour autant, une productivité qui décélère, ainsi qu’une durée du travail et des salaires qui stagnent.
Comment voyez-vous la situation de l’emploi pour 2020 ?
Difficile, donc, d’expliquer la baisse exceptionnelle du chômage en 2019, mais s’il s’agit seulement de l’effet des aides publiques aux entreprises via le CICE, l’année 2020 risque fort d’être catastrophique en matière d’emploi.
Notre prévision jusqu’à janvier dernier était que l’activité ralentirait, mais que les créations d’emplois continueraient à augmenter, et finalement que le chômage se stabiliserait ou baisserait très légèrement, sans doute de 0,1 point. Mais avec le coronavirus, cette prévision là n’a plus aucun sens aujourd’hui.
En effet, l’épidémie actuelle brouille désormais les pistes. Au lieu de s’attendre à une année 2020 moins bonne en créations d’emplois, mais pas forcément à la baisse, le coronavirus risque de provoquer un ralentissement de l’activité qui pourrait avoir une incidence sur le PIB. Selon la taille de l’épidémie, sa diffusion dans le monde et les réactions politico-économiques, le produit intérieur brut pourrait ainsi baisser de 0,2 dans le meilleur des cas à 5 point dans le cadre d’un scénario catastrophe…
Et si l’épidémie de coronavirus était rapidement jugulée ?
Nous partions sur l’hypothèse que les entreprises n’auraient plus de difficultés à recruter, en raison des batteries de réformes passées. Mais globalement, avec le coronavirus, nous devrions probablement assister à des destructions d’emplois, donc à une hausse du chômage ; à moins que cela ne soit jugulé et compensé par la généralisation du chômage partiel.
Quoi qu’il arrive, même dans le meilleur scénario envisageable, le coronavirus aura forcément une incidence sur notre PIB, avec des effets sur le tourisme, l’hôtellerie et les transports. Il y aura certainement un rebond, mais l’année 2020 restera inéluctablement marquée par le premier semestre. L’impact de l’épidémie devrait probablement osciller autour de – 0,5 point de PIB, a minima. Il faut dans tous les cas s’attendre à un choc sévère sur l’économie, et donc sur les emplois.