Nathalie Arthaud est la candidate de Lutte Ouvrière à la présidentielle. Elle nous livre quelques-unes de ses propositions pour l’emploi ainsi que son message aux ouvriers, aux employés et aux cadres.
Quel bilan dressez-vous du mandat de Nicolas Sarkozy ?
Un bilan révoltant. Dans cette période de crise finalement, il a permis aux plus riches, aux dirigeants de la finance ou de l’industrie de s’en sortir indemnes. Il les a aidés à faire payer les conséquences de la crise aux travailleurs.
La crise est un alibi ?
Non, la crise est belle et bien là. Mais le problème est de savoir qui paye les conséquences de la crise. S’il y a des baisses de commandes, des baisses de chiffre d’affaires, de profits… qui paye ? Qui en subit les conséquences ? Et là ce sont des choix politiques évidemment. Ce que l’on constate, c’est que les grands groupes ont tous amorti la crise sur le dos des travailleurs, en supprimant des emplois, en augmentant la charge de travail, en aggravant les conditions de travail, en rajoutant du boulot tous les jours. Ils ont amorti leurs pertes et finalement préservé leur niveau de profits.
Dans votre programme vous proposez par exemple d’interdire les licenciements. C’est pour vous une mesure essentielle dans ce contexte ?
C’est d’abord fermer le robinet. Face à l’hémorragie, il faut mettre un garrot. De la même façon qu’il peut arriver de prendre des mesures exceptionnelles comme interdire les expulsions en période d’hiver ou les coupures d’électricité en période de grand froid, dans cette période de crise où il y a 1 000 chômeurs de plus tous les jours, il faut interdire que l’on puisse prendre son emploi et son salaire à un travailleur.
Ce serait donc une mesure temporaire ?
Tant qu’il y aura des chômeurs. Jusqu’à ce que l’on arrive au plein emploi. Pour nous le droit à l’emploi devrait être imprescriptible.
Cette mesure doit aussi s’accompagner d’embauches, à commencer par les services publics. Il y a besoin d’embaucher dans les écoles. Dans les hôpitaux, c’est une évidence quand on voit que le personnel hospitalier n’est même pas en mesure de prendre ses jours de congés parce qu’il manque des bras. Il y a donc de quoi embaucher dans les services publics. Il y aurait même de quoi créer de nouveaux services publics. Nous pensons qu’il faut créer un service public du logement social et que l’État pourrait directement embaucher des maçons, des plâtriers, des ingénieurs, des architectes.
(…) Il faut que l’on sorte de cette idée que l’on manque d’emplois. Il y a de l’emploi, il y a du travail. Et ceux qui d’ailleurs sont au travail en ont par dessus la tête des cadences. Nous disons qu’il faut obliger le patronat à embaucher et donc à répartir la charge entre tous.
Comment une entreprise fait-elle face aux aléas de l’économie si les licenciements sont interdits ?
Ce sont les profits qui doivent subir les aléas et baisser. Il y aura des hauts et des bas.
Et si c’est une question de survie pour l’entreprise ?
Pour la plupart de ces grands groupes, ce n’est pas du tout une question de survie, c’est une question d’en faire toujours plus. Même les petites entreprises dont on nous dit qu’elles sont en difficulté, le sont justement très souvent parce que leur fermeture a été programmée par un grand groupe, parce qu’ils ont décidé de lui couper les vivres, les commandes, parce qu’ils ont trouvé moins cher ailleurs. Même dans ces entreprises soit disant en difficulté, on peut toujours remonter au fait que c’est la rapacité de quelques-uns qui engendre ces choix. Nous disons donc que la priorité n’est pas de mettre en difficulté les travailleurs. On s’inquiète toujours de la difficulté des entreprises, mais les travailleurs doivent se débrouiller pour vivre, sans boulot, sans salaire, sans rien !
Vous proposez justement d’indexer les salaires sur les prix, c’est bien cela ?
Oui, pour nous c’est la seule façon de ne pas être poussé dans la misère quand on travaille. Les entreprises ont la possibilité de répercuter sur leurs prix toutes les augmentations qu’elles subissent. Elles savent très bien le faire. Les travailleurs n’en ont pas la possibilité. Eux ne fixent rien, rien de leur salaire, rien de leur retraite, rien de leurs droits sociaux. Donc il faut que l’on obtienne que cela soit indexé sur l’inflation, sur les prix, de façon à ce qu’ils augmentent automatiquement.
À combien fixeriez-vous le Smic aujourd’hui, par exemple ?
Pour nous, il est difficile de vivre avec moins de 1 700 euros nets. Quand on nous explique [que les entreprises] ne sont pas en mesure de payer ces salaires là, les travailleurs sont-ils en mesure de vivre avec moins ? C’est une question qui ne se pose jamais. Et si cela ne marche pas, si cette société n’est pas capable de donner un emploi qui permette à tous de vivre dignement, il faut arriver à la seule conclusion qui s’impose, c’est qu’elle ne marche pas !
Quel message souhaitez-vous faire passer aux demandeurs d’emploi ?
Le chômage ce n’est pas une fatalité. Ce n’est sûrement pas un problème individuel comme le gouvernement veut nous le faire croire, en expliquant que l’on est chômeur parce que l’on n’est pas comme ceci ou cela, parce que l’on n’a pas le permis de conduire, parce que l’on n’est pas assez bien formé, etc. Tout dans la politique du gouvernement consiste à faire culpabiliser les chômeurs et à leur faire croire que c’est leur problème à eux. Moi, je tiens à dire à tous ceux qui sont au chômage, que c’est un problème collectif et que c’est le résultat de la rapacité patronale. Pour le combattre, il faut combattre cette rapacité, cette loi du profit, ce diktat patronal. Ce sont eux qui fabriquent les chômeurs.
Longtemps les discours ont opposé les cadres et les ouvriers. Est-ce que vous vous inscrivez encore dans cette optique ?
Nous, nous n’avons jamais opposé les cadres et les ouvriers. Jamais ! Quand nous parlons de travailleurs, ce sont tous ceux qui vendent leur force de travail (qu’elle soit physique, intellectuelle), qui en dépendent pour leur vie quotidienne. Pour nous, les travailleurs sont tous ceux qui font tourner la société, qu’ils soient pilotes d’avion ou caissières de supermarché. Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est que les cadres sont comme tout le monde. Ils peuvent être licenciés du jour au lendemain, mis dehors ni plus ni moins que les autres. Même si certains pouvaient se croire indispensables ou pouvaient avoir l’illusion d’échapper quelque peu à la dure loi de l’exploitation étant mieux payés que les autres, je crois que cette illusion a aujourd’hui du plomb dans l’aile.
Que souhaitez-vous leur dire ?
Ce que j’ai envie de leur dire, c’est que leur sort est lié. Mais les cadres ont des possibilités. Ils sont souvent aux premières loges des décisions qui sont prises dans les entreprises, ils savent la réalité des chiffres, des profits. J’espère qu’ils sauront aussi mettre tout cela en commun, de façon à ce que l’ensemble des travailleurs d’une entreprise n’ait pas à subir les rumeurs, les fausses informations. Ensemble, les travailleurs ont des intérêts à défendre. Je suis consciente qu’aujourd’hui les possibilités sont limitées, parce qu’un cadre qui dévoile les mauvais coups qui se préparent en cachette serait évidemment menacé de perdre sa place. C’est pourquoi nous revendiquons le droit à ce contrôle. Nous sommes pour la suppression du secret des affaires. Si ces entreprises fonctionnaient vraiment pour l’intérêt général, l’intérêt de la population et de la société, elles n’auraient rien à cacher. Je crois que les cadres ont un rôle à jouer dans cette histoire.
Avez-vous vos 500 parrainages ?
Je pense que dans les jours qui viennent nous allons franchir la barre des 500 formulaires officiels. Nous sommes autour de 400, cela avance bien et j’espère que nous y serons dans les deux ou trois jours qui viennent.