Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République et candidat à l’élection présidentielle, présente ses propositions économiques.
Quel bilan dressez-vous du mandat de Nicolas Sarkozy, sur le terrain économique et sur celui de l’emploi ?
Un échec total car Nicolas Sarkozy n’a pas osé s’affranchir de l’économiquement correct qu’il avait pourtant pourfendu pendant sa campagne électorale.
Qu’est-ce que l’économiquement correct ?
C’est l’acceptation d’un cadre qui nous enferme dans l’échec et qui interdit toute marge de manœuvre au pouvoir politique. Ce cadre, c’est l’euro trop cher, le libre échange totalement déloyal avec un partenaire, notamment la Chine, qui triche avec toutes les règles du jeu, les charges trop élevées qui pèsent sur les entreprises et un système bancaire qui détourne l’épargne des Français.
Qu’est-ce vous proposez ?
Tout mon programme économique n’a qu’un objectif : relocaliser un million d’emplois. Comment ? En incitant les entreprises à investir en France car personne ne pourra les forcer. Il faut donc que toutes les décisions publiques qui soient prises dorénavant convergent pour changer les anticipations des chefs d’entreprise.
De quelle manière ?
Cela passe, au niveau intérieur par exemple, par une diminution de moitié de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis sur le sol français. On doit différencier le patron qui réinvestit ses dividendes en France, de celui qui investit à l’étranger ou qui rémunère ses actionnaires. Cela concerne les PME, les entreprises de moins de 500 salariés.
Deuxième mesure : mettre en place un protectionnisme ciblé, intelligent, lorsqu’il y a des cas prouvés de dumping social et environnemental. C’est répondre dent pour dent, œil pour œil, aux pays qui trichent avec les règles du jeu. Il faut avoir une capacité de réaction rapide en matière de droits de douane. Ils financeraient notre protection sociale.
Troisième mesure : remettre de l’ordre dans le système bancaire français pour que les banques aident le système productif et ne jouent pas sur les marchés financiers. Cela veut dire la séparation des banques d’affaires et des banques de détail. Cela signifie aussi la nationalisation sous forme de fondation, autour du groupe postal, d’une banque, pour remettre de la concurrence. La frilosité à l’égard des entrepreneurs et des chercheurs est insupportable.
La quatrième mesure, c’est la sortie de l’euro pour redoper notre compétitivité à l’intérieur de l’Union européenne, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, et arrêter d’avoir une monnaie trop cher. Cette sortie de l’euro nous permettra de surcroît de financer les grands investissements publics à taux zéro par la Banque de France et de diminuer les charges de la dette.
Est-ce vraiment le moment de prendre des mesures baissant l’impôt sur les sociétés, alors que les caisses de l’État sont vides ?
Au contraire, cette mesure rapportera de l’argent à l’économie française. Quand on voit l’impôt sur les sociétés qui aujourd’hui rapporte trente milliards d’euros, on peut estimer que cette mesure coûterait au maximum quatre à cinq milliards. Nous sommes en train de la chiffrer mais elle n’est pas si coûteuse que cela.
Pour protéger les salariés, faut-il agir sur le code du travail ?
Deux choses : je suis totalement hostile aux propositions du président de la République, visant à faire du contrat l’alpha et l’omega, et à remettre en cause la loi égalitaire. On peut débattre de relever le temps de travail. Mais si on le fait, on le fait pour tout le monde. On ne le fait pas entreprise par entreprise parce que c’est la loi du renard dans le poulailler. C’est aberrant.
Je suis pour qu’il y ait un cadre national. En revanche, je suis pour une simplification du code du travail. À protection égale, on devrait pouvoir lire, comme en Suisse, le code du travail simplement. Le problème des entreprises et des PME, ce n’est pas obligatoirement moins de charges ou moins de protections pour les salariés, c’est la simplification. C’est un maquis insupportable. Il faut absolument faire un code du travail résumé, il faut l’essorer des neuf dixièmes, sans pour autant évidemment affaiblir la protection des salariés. Ce n’est pas avec des salariés jetables qu’on construira l’économie de demain. Toutes les entreprises sérieuses qui investissent, qui créent, fidélisent leurs salariés.
Les entreprises demandent aussi de la flexibilité pour s’adapter à la compétition internationale ?
La flexibilité, cela peut être uniquement les accords de chômage partiel. Qu’il y ait des accords possibles de chômage partiel, oui. Pour autant, il n’y a jamais eu autant de flexibilité et il n’y a jamais eu autant de chômage. Le problème de fond, c’est la compétitivité. La compétitivité viendra si nous avons une monnaie 20 % moins chère par rapport au deutschemark, si nous ne sommes pas concurrencés par l’esclavage, s’il y a les banques qui prêtent aux entreprises et si lorsque l’on investit sur le sol français, on paie moins d’impôts. Vous verrez que cela dopera totalement notre système économique.
Vous dites que l’on peut réfléchir à la durée du temps de travail, mais quel est votre point de vue à ce sujet ?
Je ne suis pas pour “redésorganiser” les choses. Il y a de la flexibilité aujourd’hui et, en tout cas, ce n’est pas dans une période de chômage que l’on peut augmenter le temps de travail. C’est complètement aberrant. Ce serait totalement contre-productif, d’ailleurs cela l’a été totalement. Ce sont ceux qui ont déjà un emploi qui travailleront plus.
Souhaitez-vous revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ?
Je n’y suis pas favorable mais c’est quand même un complément de salaire pour beaucoup d’ouvriers. (…) Je ne pense pas qu’il faut revenir au passé. Je ne reviendrai pas dessus, même si ce n’est pas la meilleure chose en période de chômage. Assez d’instabilité ! Chaque gouvernement veut revenir sur les mesures précédentes. Cette mesure existe, comme la réforme des retraites existe, arrêtons de tout bouger !
Puisque vous parlez des retraites, la réforme existe, mais elle n’est pas forcément viable à long terme…
Si ! C’est faux ! Ce n’est pas viable si nous continuons à mettre des usines au Maroc. Ce n’est pas viable s’il y a ça (Nicolas Dupont-Aignan montre un article sur l’ouverture de l’usine Renault de Tanger, ndlr) ! Quand il n’y aura plus d’activité industrielle en France, il y aura une réforme des retraites tous les deux mois. Mais nous avons un équilibre démographique, nous ne sommes pas du tout dans la situation de l’Allemagne, arrêtons de faire peur aux gens ! S’il y a de la croissance en France, les retraites seront financées. En revanche, ce qui est clair, c’est que si nous continuons à perdre notre vitalité industrielle et notre vitalité d’emploi, il n’y aura plus de retraite, plus de sécurité sociale, plus de droit du travail, plus rien ! Donc le problème de fond, c’est de bloquer l’hémorragie et de redonner envie d’investir en France. Et pour cela, il faut qu’on y ait intérêt. Et pour y avoir intérêt, il faut produire en France, doper l’investissement et la production. Voilà pourquoi la sortie de l’euro est la seule solution à court terme pour débloquer la situation.
Avez-vous des mesures pour favoriser l’innovation ?
Il y a déjà des mesures. Il y a le Crédit impôt recherche, qui a d’ailleurs été réduit à tort. Il faut le remettre comme il était, le plafonner pour les grandes entreprises, mais le problème d’aujourd’hui, c’est de replacer le système bancaire au service des entreprises. Si l’on met le système bancaire au service des entreprises, si l’on met une banque d’investissement et si l’on maintient le Crédit impôt recherche, il n’y aura pas de souci.
En revanche, comme on ne produit plus rien en France, on ne cherche plus en France non plus. Tout l’enjeu, c’est la relocalisation. On amuse la galerie avec des mots “innovation”, “recherche”, etc. mais s’il n’y a plus d’entreprises en France, elles ne pourront pas en faire.
Vous défendez donc vous aussi le produire en France ?
Bien sûr. Je suis pour une relocalisation absolue des activités. Mais moi, je n’ai pas signé comme tous les autres les accords internationaux qui favorisent les délocalisations et qui aboutissent à un déficit commercial de soixante milliards.
Avez-vous un message à faire passer aux cadres ?
Un message très simple, c’est que les cadres vivent, commencent à vivre, ce qu’ont vécu les ouvriers depuis vingt ans. Les cadres ne sont pas différents des autres et les cadres ne doivent pas être les idiots utiles du système. Ils le sont de moins en moins. On leur a fait croire au départ qu’on allait délocaliser les ouvriers et que eux s’en sortiraient. C’est totalement faux. Les cadres vont payer très cher cette économie de loi de la jungle. Les cadres paient très cher l’euro et les délocalisations. Pour moi, les chercheurs et les cadres sont, comme les ouvriers, les victimes de ce système fou.
Je supprimerai les stock-options. Les cadres ne doivent plus accepter d’avoir des patrons qui se croient irremplaçables et qui touchent des dizaines de millions d’euros. Ils sont tout à fait remplaçables et il y a, dans les entreprises, des cadres très bien qui peuvent prendre le relais de ces vedettes. M. Carlos Ghosn devrait être viré aujourd’hui !
Vous pensez qu’il faut plafonner les rémunérations des dirigeants ?
Dans les entreprises publiques, je suis pour un salaire maximum. Je l’ai évalué à 35 fois le Smic. Dans les entreprises privées, je suis pour une tranche d’imposition nettement supérieure.
Où en êtes-vous de la recherche de signatures ?
Nous y serons ! À une près, péniblement… mais nous y serons.
Irez-vous jusqu’au bout ?
Plus que jamais !
Il faut arrêter de faire croire aux Français qu’il n’y a pas d’autres solutions que ce que l’on vit aujourd’hui. Il y a des pays, la Corée, la Malaisie, le Brésil, l’Argentine, qui ont mis en place des mesures protectionnistes et qui s’en sont sortis. La France n’a pas à être l’idiot du village mondial. J’ajoute que le secteur en France qui est le plus protégé fonctionne le mieux : c’est le cinéma français. Pourquoi les vedettes de Saint Germain des Prés seraient protégées par le protectionnisme, alors que les ouvriers et les cadres de nos entreprises seraient broyés ? Au nom de quoi ? D’une idéologie absurde. Tous les pays se protègent sauf la France. L’Angleterre se protège par la dévaluation de la livre, l’Allemagne se protège par un protectionnisme civique… Ce sauve qui peut français, cet individualisme français est en train de nous faire crever ! Il n’y a aucune fatalité à subir cela.