Inquiètes face à une possible remise en cause de leurs règles d’indemnisation du chômage en cas d’activité réduite, 40 000 assistantes maternelles ont signé une pétition en ligne, lancée en octobre par le Syndicat national FO des services à la personne. Elles envisagent de manifester, et même de faire grève. Véronique Delaitre, secrétaire générale du SNFOSP, nous en dit plus.
Contre quoi les assistantes maternelles s’insurgent-elles, précisément ?
Actuellement, les salariés en situation de multi-emplois – comme les assistantes maternelles qui gardent souvent plusieurs enfants – peuvent, en cas de perte d’un emploi (dès lors qu’elles perdent un contrat), bénéficier d’une allocation (de 57 à 75 % du revenu perdu), qui s’ajoute aux revenus des autres emplois conservés. Or, dans un document de cadrage envoyé aux partenaires sociaux pour la négociation sur l’assurance chômage, le ministère du Travail annonce vouloir revenir sur cette indemnisation pour activité réduite, afin “d’inciter davantage les personnes à privilégier les revenus d’activité”. Cette perspective est inadmissible, car supprimer (1) cette allocation reviendrait à retirer l’équivalent d’un salaire aux assistantes maternelles – sachant qu’elles ne gagnent déjà pas grand chose en temps normal, si demain la réforme était votée, elles seraient probablement nombreuses à chercher, un autre emploi.
À quelles difficultés sont-elles confrontées ?
Il faut savoir que sur les 330 000 assistantes maternelles que l’on dénombre en France, il y en a 105 000 qui bénéficient de cette indemnisation pour activité réduite. Pour elles, cette allocation est un plus, qui leur permet de compléter leur salaire et de boucler leurs fins de mois. Et le nombre de ces « nounous » qui font valoir leurs droits auprès de Pôle emploi risque d’augmenter avec le temps, car il y a de moins en moins d’enfants à garder – pour des raisons démographiques, mais aussi à cause de la recrudescence du chômage (donc à une réduction du nombre de particuliers employeurs). Depuis deux ans, elles peinent bien souvent à trouver des contrats.
Même s’il y a un problème avec cette indemnisation, car elle engendre aussi des trop-perçus, les assistantes maternelles ne veulent pas perdre ce revenu, essentiel à leur survie. Car leur profession est loin d’être idyllique. Elles gagnent en moyenne, en France, à peine 3,38 euros de l’heure (hors frais d’entretien et de repas) par enfant, soit entre 1 000 et 1 400 euros net par mois, et à la fin, elles se retrouvent avec une toute petite retraite. (2) En plus de cela, elles sont exclues de la santé du travail : la Direction générale du travail refuse de les faire bénéficier de la Médecine du travail, sous prétexte qu’elles ne relèvent pas du Code du travail, mais du Code de l’action sociale et des familles. À ce scandale, viendrait donc s’ajouter cette remise en cause de leurs règles d’indemnisation chômage, qui permettrait au gouvernement de faire des économies sur leur dos ? Quand va-t-on enfin comprendre que les assistantes maternelles sont des salariées à part entière ?
Comment améliorer la condition des assistantes maternelles ?
Aujourd’hui, si on cumule toutes ces difficultés, ça ne donne clairement pas envie aux gens, jeunes, hommes ou femmes, de devenir assistant(e)s maternelles. Nous demandons aux pouvoirs publics de conserver l’indemnisation du chômage en cas d’activité réduite, mais aussi de mettre en avant l’accueil individuel, qui coûte moins cher à la collectivité, que le collectif, et de communiquer davantage, au niveau des conseils départementaux, sur la formation professionnelle et la certification de niveau 5 dont peuvent bénéficier les « nounous ».
Enfin, nous pensons qu’il faudrait envisager un retour des assistantes maternelles dans le Code du travail, afin de leur offrir les mêmes droits que tous les autres salariés, à commencer par une Médecine du travail – essentielle, quand on sait qu’elles sont très exposées aux risques de troubles musculo-squelettiques (TMS).
Comment comptez-vous faire entendre leurs voix ?
En plus de notre pétition, qui a déjà recueilli plus de 40 000 signatures, nous allons demander aux assistantes maternelles de se munir d’un brassard rouge (le rouge de la colère), et de manifester dans les rues, partout en France, le 17 novembre – un samedi, pour éviter de mettre les familles dans l’embarras. Les “nounous” en ont assez, et sont même pour certaines prêtes à faire grève – ce qui est rarissime. Elles veulent être reconnues par les pouvoirs publics comme des salariés à part entière, avec leurs compétences et leurs savoir-faire.
(1) Dans sa lettre de cadrage, le ministère du travail ne parle pas de “supprimer” l’allocation, mais de “revoir les règles de cumul” entre revenu d’activité et revenu du chômage, afin “d’inciter à la reprise d’emploi durable”. Il indique ainsi que “les règles de l’activité concernée peuvent conduire, dans certains cas, les personnes à bénéficier d’une revenu global très proche d’une activité à temps plein, en cumulant revenu d’activité et revenu du chômage. Cette situation mérite d’être corrigée, afin d’inciter davantage les personnes à privilégier les revenus d’activité”.
(2) Pour qu’un particulier employeur puisse percevoir une aide de la CAF, la rémunération brute de son assistante maternelle agréée ne doit pas dépasser un plafond journalier de référence (5 fois la valeur du SMIC horaire brut) par enfant gardé. Depuis le 1er janvier 2018, le SMIC est de 9,88 euros brut de l’heure, soit 1.498,47 euros brut par mois. La rémunération minimale des assistantes maternelles est de 2,78 euros brut par heure d’accueil, soit 2,14 euros net (par enfant).