En 2023, selon les chiffres de Pôle emploi, 61 % des embauches sont jugées difficiles par les employeurs, un niveau inédit. Et pour cause, nombre de secteurs et de métiers peinent de plus en plus à attirer des candidats et à satisfaire à leurs besoins de recrutement. Dans ce contexte, les initiatives pour une meilleure qualité de l’emploi et qualité de vie au travail (QVT) apparaissent comme autant de leviers pour booster l’attractivité des corps de métiers. Encore faut-il s’entendre sur comment mesurer cette qualité de l’emploi. C’est tout l’objet de la note d’analyse publiée par France Stratégie : « Qualité de l’emploi : une question de métiers ? ». Pour cette étude, l’institut rattaché à Matignon a organisé une typologie des métiers en six groupes, pour les confronter à une série de 24 d’indicateurs de la qualité de l’emploi rassemblés en six dimensions : salaires, conditions d’emploi, conditions de travail (accidents de travail et risque psychosociaux), temps de travail, trajectoires de carrières et représentation collective.
Selon les auteurs de la note, « la récente baisse du chômage et les tensions sur le marché du travail ont mis en lumière l’importance du lien entre qualité de l’emploi et attractivité des métiers. » Les six groupes réunissent les 87 familles professionnelles reconnues par le ministère du Travail, et se distinguent par leurs conditions et qualité d’emploi : métiers de cadres (groupe 1), métiers des services (groupe 2), métiers d’ouvrier (groupe 3), métiers peu qualifiés (groupe 4), métiers de la « 2e ligne » et hôtellerie-café-restauration (HCR) (groupe 5), métiers du soin et de la sécurité (groupe 6).
Disparités et inégalités des conditions de travail
Parmi les premiers enseignements, il apparaît qu’aucun groupe n’affiche une qualité de travail optimale, mais des distinctions s’opèrent tout de même. Le groupe 1, les cadres, réunit 2,9 millions de salariés et bénéficie de très hauts salaires et de conditions d’emploi très favorables, à l’exception de la durée du travail, très supérieure à la moyenne et synonyme de risques psychosociaux. À titre de comparaison, le groupe 5 (3 millions de salariés), les métiers dits de la 2e ligne et de l’hôtellerie-restauration affichent de fortes contraintes horaires, mais également de très bas salaires et de faibles trajectoires de carrière. Le deuxième groupe, celui des métiers des services, le plus important (7,5 millions de salariés), correspond, lui, à des métiers relativement bien payés et protégés des risques et des contraintes horaires. En termes de contraintes physiques et de risques d’accidents, les ouvriers du groupe 3 (3,1 millions) sont particulièrement exposés, sur des métiers à bas salaires et à faibles conditions d’emploi. A contrario, les métiers du groupe 4 (4,9 millions), très peu qualifiés, affichent également de très bas salaires, mais sont relativement protégés des contraintes physiques et horaires.
Si cette typologie fournit ainsi un aperçu global et une grille de lecture par grande famille de métiers, France Stratégie rappelle qu’ « une hétérogénéité entre métiers subsiste au sein des groupes, et des différences importantes peuvent exister au sein d’un même métier entre les secteurs public et privé ».
Pour une qualité globale de l’emploi
De fait, la note d’analyse retient qu’aucune « configuration de qualité de l’emploi n’est idéale : toutes peuvent faire l’objet d’une amélioration« . Et conclut que l’appartenance aux catégories socioprofessionnelles (CSP) joue un rôle important dans les inégales qualités d’emploi. « Les salaires ne compensant pas une faible qualité de l’emploi, les améliorations ne pourront pas venir du seul levier de la politique salariale. Il faut agir aussi sur les types de contrats, la formation et les perspectives de carrière, les conditions de travail, avec des priorités qui varient selon les métiers et sont à décliner au niveau des branches », peut-on lire dans la note. Face aux nouvelles aspirations des travailleurs, bien au-delà de la simple rémunération, la prise en compte de la qualité de l’emploi dans sa globalité est identifiée par France Stratégie comme l’un des leviers pour répondre aux défis du recrutement et de l’attractivité. « Parce qu’elle est souvent synonyme de satisfaction professionnelle et d’une capacité plus grande à exercer jusqu’à la retraite, la qualité de l’emploi est un levier d’attractivité des emplois et de progrès social. L’enjeu est double : améliorer le bien-être des salariés et assurer les capacités productives des entreprises », écrivent les auteurs.