Ce mercredi 9 septembre, Jean-Denis Combrexelle, conseiller d’État et ex-directeur général du travail (DGT), doit remettre son rapport sur la négociation collective, le travail et l’emploi. Il devrait servir de base au gouvernement pour la réforme du code du travail. Stéphane Béal, directeur du département droit social du cabinet d’avocats Fidal, livre quelques explications sur ce qu’il devrait contenir.
Ce rapport oriente la réforme du droit du travail vers le principe de la généralisation des accords collectifs, comme d’autres travaux tels ceux de l’Institut Montaigne ou de Terra Nova. Que préconise-t-il ?
Concrètement, ce rapport propose que ce ne soit plus le code du travail qui fixe les règles mais que ce soit fait branche par branche, par la négociation. Il y a en effet une conjonction de mouvements surprenants en ce sens, et ce depuis plusieurs années. Néanmoins, s’il s’agit de simplifier le code du travail, cela ne signifie pas le droit du travail puisque il est démultiplié au niveau des branches. Dans ce que j’ai vu pour l’instant, la place accordée aux accords d’entreprise par rapport à l’accord de branche est encore floue, il faudra voir dans les détails. Une proposition mentionne malgré tout que la priorité sera donnée aux accords d’entreprise sous réserve de ce qu’indique l’ordre public et les accords de branche. Cela signifie que les accords de branche pourront décider que ce ne soit pas le cas, minimisant ainsi les accords d’entreprise. Le risque, c’est que les négociations soient menées par des apparatchiks loin du terrain et des réalités des entreprises. Pour que les accords collectifs soient efficaces, il faut aussi pouvoir négocier et signer les négociations. Cela peut être positif puisque cela va donner plus de liberté aux branches, mais les partenaires sociaux vont devoir prendre leurs responsabilités. Or certains syndicats ont déjà montré leur réticence face cette idée, ce qui peut entrainer des blocages.
Le principe général repose sur la force de négociation des syndicats, or la France souffre d’un taux très faible de syndicalisation. Est-ce que le rapport émet des solutions pour résoudre ce problème ?
Il y a toute une série de propositions qui évoquent l’idée de renforcer le rôle les syndicats. L’une d’elle parle de créer une dynamique de négociation pour densifier et rendre plus forte la négociation collective. Un tas d’autres incitations est prévu, comme la formation et la sensibilisation au dialogue social dans les écoles de commerce et pour tous les partenaires sociaux. Rien n’est prévu de ce que j’ai vu pour renforcer le taux de syndicalisation en tant que tel. Mais même si le taux est faible, cela ne veut pas dire que les salariés n’iront pas voter pour leur représentation. Il sera possible de dégager des majorités. Mais il faudrait aussi que les syndicats réalisent leur révolution culturelle…
Quelles conséquences peut-on imaginer pour les entreprises et salariés au vu des propositions de ce rapport ?
La proposition 42 fait prévaloir les accords collectifs sur les contrats de travail. Cela signifierait que si un salarié refuse les accords collectifs qui viennent d’être conclus, il pourrait se faire licencier. Il faut voir quelle forme cela va prendre. Autre point qui passe plus inaperçu, c’est la fusion de certaines branches professionnelles. Elle est envisagée pour celles qui comptent moins de 5 000 salariés. C’est important car des branches ne sont pas viables et elles sont beaucoup trop nombreuses, ce qui rendrait beaucoup trop important le nombre de normes.
Combien de temps nécessiterait la mise en place des propositions de ce rapport ?
Il comporte un agenda : une nouvelle architecture du code de travail devra être proposée dans les 4 ans à compter de la publication d’une loi qui en fixerait les principes sur la base de ce rapport – on verra ce qui en sera retenu. Le texte est prévu pour janvier. Certaines mesures devront être applicables dès 2016. Mais il ne sera pas possible de tout mener à bien à court terme. Réduire le nombre de branches, par exemple, est un long processus. Mais des pistes pour inciter à la négociation devront être en place à l’horizon 2017 comme la généralisation des accords majoritaires d’entreprise. Ce n’est pas si loin.
Le rapport donne-t-il des indications concernant les sujets attendus tels que le Smic ou la durée légale du travail ?
La rémunération devrait être fixée au niveau des branches, mais on l’a bien compris lors de la déclaration de François Hollande lundi, il n’est pas question que la loi ne fixe pas la durée légale de travail ni le Smic. En revanche, le minimum professionnel pourrait être discuté par les branches, comme c’est le cas aujourd’hui. De même pour les 35 heures. Mais il n’est pas exclu que la négociation du taux des heures supplémentaires ait lieu au niveau des branches.