Récemment, les premières sanctions à l’encontre des bénéficiaires du RSA sont tombées dans le département du Nord. Un engagement pris par Jean-René Lecerf, président du conseil départemental (LR). Il avait en effet décidé de réduire voire supprimer le RSA à ses bénéficiaires refusant de s’inscrire à Pôle emploi, estimés à 45 000 sur 115 000 bénéficiaires par le département. Questions à Guillaume Allègre, économiste au département des études de l’OFCE, et Sabrina Sab, avocate à la cour, Sab Avocats, pour en savoir plus sur ces sanctions.
Guillaume Allègre, économiste au département des études de l’OFCE.
Cette disposition était-elle prévue dans les textes initiaux relatifs au RSA ?
Dans le texte de base, il est prévu qu’il puisse y avoir une réduction ou une suppression du RSA à l’initiative du conseil départemental, si le bénéficiaire ne remplit pas ses obligations. Or, un contrat est souscrit entre le tuteur qui va l’accompagner et le bénéficiaire du RSA. Il peut y être stipulé de s’inscrire obligatoirement à Pôle emploi.
Et si ce n’est pas le cas ?
Alors il ne sera pas possible de sanctionner le bénéficiaire qui n’est pas inscrit à Pôle emploi. Cela doit figurer sur le contrat.
Peut-on ainsi considérer que cette décision est légale ?
Oui tout à fait. Bénéficier du RSA implique des droits et des devoirs pour les deux parties. Par exemple, les bénéficiaires sanctionnés peuvent arguer que le département n’a pas mis en place toutes les obligations qu’il devait pour accompagner correctement les allocataires comme le contrat, le fait d’avoir un référent…
Sabrina Sab, avocat à la cour, Sab Avocats.
Imposer le bénévolat en échange de la perception du RSA a été jugé illégal par le tribunal administratif de Strasbourg. Pour quelles raisons ?
C’est très simple. Des conditions sont prévues par le code de l’action sociale (article L262-2, Ndlr). Elles organisent les sanctions qui entraînent une diminution/ suppression du RSA. Le conseil départemental ne fait qu’appliquer ces conditions et n’a pas le droit d’en ajouter. C’est pour cette raison que le tribunal a considéré cette mesure comme illégale. En revanche, un contrat est souscrit entre le bénéficiaire et un organisme du service de l’emploi et si cette mention avait été faite dans le contrat, alors cela aurait été légal, ou encore s’il s’agissait d’une mesure générale, inscrite dans la loi. Le département s’est improvisé législateur plutôt que de contourner la loi par la voie contractuelle.
En parallèle, plusieurs départements souhaitent demander les comptes bancaires des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) avant de leur verser leur allocation. Est-ce légal ?
Cela pourrait éventuellement passer à certaines conditions. En effet, je doute fort que demander aux établissements bancaires les relevés de leurs clients soit possible. Mais cela peut être envisageable de les demander directement aux allocataires, sous réserve de modification législative ou d’ajout de cette mention dans les contrats. L’État pourrait expliquer cette mesure comme s’inscrivant dans la lutte contre le travail non déclaré.