Formation, parité, protection sociale, représentation collective : un rapport de l’ONU liste les droits fondamentaux des travailleurs, afin de penser le monde du travail du futur.
Pour ses 100 ans, l’Organisation internationale du travail (OIT) s’est penchée sur la façon d’améliorer la qualité de vie professionnelle. Dans un rapport dévoilé le 22 janvier, intitulé « Travailler pour bâtir un avenir meilleur », la Commission sur l’avenir du travail (constituée d’universitaires, de groupes de réflexion, ainsi que de « figures éminentes du monde de l’entreprise et du travail ») de l’agence de l’ONU émet des recommandations à destination des gouvernements, qui vont de la formation tout au long de la vie à la protection sociale, en passant par la représentation collective et la RSE.
L’étude de l’OIT dresse d’abord un constat : avec les progrès technologiques (IA, automatisation et robotique) qui « créeront de nouveaux emplois, et en supprimeront d’autres », mais aussi avec 190 millions de personnes au chômage dans le monde en 2018, 300 millions de travailleurs pauvres, et des écarts salariaux entre hommes et femmes toujours vivaces, « le monde du travail connaît des changements sans précédent et des défis exceptionnels ».
Un « droit universel » à la formation tout au long de la vie
Dans son programme d’action « centré sur l’humain » – et dont l’objectif est de « renforcer le contrat social en plaçant les hommes et les femmes, et le travail qu’ils accomplissent, au centre de la politique économique et sociale et des pratiques des entreprises » -, l’OIT préconise d’abord de mettre en place un « droit universel » à l’apprentissage tout au long de la vie. « Cela comprend l’apprentissage formel et informel, depuis la petite enfance et l’éducation de base jusqu’à l’éducation et la formation des adultes. Les gouvernements, les travailleurs et les employeurs, ainsi que les établissements d’enseignement, ont des responsabilités complémentaires dans la mise en place d’un écosystème d’apprentissage tout au long de la vie efficace et financé de manière appropriée », écrit la Commission sur l’avenir du travail.
Un « programme de transformation », pour l’égalité des genres
L’agence recommande aussi d’accompagner davantage les individus durant les « phases de transition du monde du travail », au niveau institutionnel et politique, à commencer par les jeunes diplômés et les travailleurs âgés. « Tous les travailleurs auront besoin d’un accompagnement face aux transitions de plus en plus nombreuses du marché du travail qui jalonneront leur vie. Les politiques actives du marché du travail doivent devenir proactives, et les services publics de l’emploi doivent être développés », indique le rapport.
Troisième recommandation : un « programme de transformation assorti d’objectifs mesurables » en matière d’égalité des genres. Du congé parental à l’investissement dans les services publics de soins, « les politiques doivent favoriser le partage des activités de soins non rémunérées au sein du foyer pour créer une réelle égalité de chances sur le lieu de travail. Renforcer le rôle et la voix des femmes, éliminer la violence et le harcèlement au travail, et mettre en œuvre des politiques de transparence salariale sont des conditions préalables à l’égalité des genres », explique l’OIT.
Une « protection sociale garantie », de la naissance à la vieillesse
Le rapport sur l’avenir du travail préconise en outre aux gouvernements d’assurer une « protection sociale universelle de la naissance à la vieillesse », à travers un « socle » garantissant un « niveau de protection de base à tous ceux qui en ont besoin », complété par des régimes d’assurance sociale contributifs offrant « des niveaux de protection accrus ». Il recommande aussi d’établir, par la loi, une « garantie universelle pour les travailleurs », afin de permettre à ces derniers de « jouir de leurs droits fondamentaux » – que sont un salaire « assurant des conditions d’existence convenables », un temps de travail limité, ainsi que la sécurité et la santé au travail.
Pour une meilleure qualité de vie professionnelle, l’OIT conseille également de « renforcer la maîtrise du temps », en donnant aux travailleurs une plus grande autonomie s’agissant de leur temps de travail, notamment en utilisant la technologie (donc le télétravail). « Il faudra aussi poursuivre les efforts pour mettre en place une limitation de la durée maximale du travail, parallèlement à des mesures pour améliorer la productivité, ainsi que des garanties concernant la durée minimale de travail pour créer de véritables choix en matière de flexibilité et de maîtrise des horaires de travail », écrivent les experts de la Commission sur l’avenir du travail.
Représentation collective des travailleurs et dialogue social
L’OIT recommande aussi aux gouvernements « d’assurer la représentation collective des travailleurs et des employeurs dans le cadre du dialogue social, en tant que bien public au cœur de la démocratie ». Selon l’agence onusienne, « tous les travailleurs doivent jouir de la liberté syndicale et de la reconnaissance du droit à la négociation collective, l’État étant le garant de ces droits », et « les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent renforcer leur légitimité représentative grâce à des techniques d’organisation novatrices qui s’adressent à ceux qui sont engagés dans de nouveaux modèles d’entreprise, notamment par l’utilisation de la technologie ».
Enfin, le rapport préconise de mettre la technologie « au service du travail décent », en gardant l’IA « sous contrôle humain », en mettant en place un « système de gouvernance internationale » pour les plates-formes de travail numériques, ainsi qu’en établissant une réglementation en matière d’utilisation des données et des algorithmes dans le monde du travail.