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Un revenu de base pour le XXIe siècle

Tribune – Le travail connaît aujourd’hui d’importantes mutations sociales et économiques. À cela s’ajoute un besoin profond d’améliorer la redistribution et la justice de notre société : autant d’arguments en faveur d’un revenu de base, versé inconditionnellement à chaque individu de façon universelle. Par Antoine Stéphany, coordinateur au sein du Mouvement français pour un revenu de base.

Le travail sur le plan social est aujourd’hui affecté par une profonde crise de sens, que l’anthropologue britannique David Graeber résume sous le terme de bullshit jobs – les emplois à la con. Il s’agit des emplois exercés sans réel but – autre que de gagner de l’argent – et sans avoir le sentiment de contribuer à la société. À cela s’ajoute un nombre croissant de burn-out, d’épuisement au travail, mais aussi de bore-out, d’ennui au travail. Dans le même temps, de plus en plus de personnes s’engagent, dans des associations, des ONG, font du bénévolat, mais leur contribution n’est pas toujours correctement valorisée par la société : on continue aujourd’hui à opposer fermement emploi – conçu comme un travail rémunéré – et activité non rémunérée.

 

S’adapter au futur

En se projetant dans le futur, un autre problème, d’ordre économique, se dessine : combien de personnes vont voir leur emploi disparaître du fait de l’automatisation et de la robotisation ? À cette question, plusieurs études apportent des réponses inquiétantes. Celle de Carl Frey et Michael Osborne montre qu’aux États-Unis, 47 % des emplois seraient remplacés d’ici 20 ans, tandis qu’une étude du cabinet Roland Berger met en avant 3 millions d’emplois menacés en France d’ici 2025. Enfin, les formes de travail évoluent, et de nombreux travailleurs ne se retrouvent pas dans les cases traditionnelles du travail salarié en CDI, qui pourtant reste la forme la plus stable face aux risques sociaux. En effet, qu’en est-il de la protection des travailleurs de plates-formes (Uber en est l’exemple le plus saillant) ? Des personnes exerçant plusieurs activités, simultanément ou dans la durée – entrepreneuriat, enseignement, etc. ?

 

Sans condition de ressources

À cela viennent s’ajouter d’autres raisons, souvent plus anciennes – un outil de justice et de redistribution dans la société, un moyen d’émancipation des travailleurs, une plus grande liberté de choix, etc. Toutes ces transformations sont essentielles, et imposent de repenser le rôle du travail, et c’est ce qu’un revenu de base, à visée émancipatrice, peut permettre. On retrouve cette idée sous de nombreux noms : revenu universel, revenu d’existence, allocation universelle, etc. Pour en saisir la portée, il est essentiel de revenir à sa définition. Il s’agit d’un revenu versé à tous individuellement, sans condition de ressources ni exigence de contrepartie, et cumulable avec toutes les autres formes de revenu. En trois mots, il est universel, inconditionnel et individuel.

 

Autour de 500 euros

La question de son montant ne peut-être détachée de celle de son financement. Si aujourd’hui plusieurs économistes s’accordent pour dire qu’il est possible de financer un revenu de base en France autour de 500 euros en passant par une réforme des minimas sociaux, de l’impôt sur le revenu et de la CSG, d’autres options de financement existent pour en augmenter son montant. Par exemple, la taxation sur les transactions financières, la fiscalité écologique, la lutte contre l’exil fiscal – que le scandale des Panama Papers a une fois de plus mis en avant – mais aussi, au niveau européen, par une réforme de la création monétaire, notamment via le Quantitative Easing for the People et l’eurodividende. De plus en plus d’économistes, de philosophes, de personnalités de la société civile et de politiques réfléchissent à la question : il est grand temps de poser les bases d’un véritable débat pour l’instauration d’un revenu universel en France.

 

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